Le voyage s’approche rapidement.
Je ne me suis occupée de réceptionner les commandes de Co-Lau et de faire mes bagages. Cora s’est chargée de tout le reste à savoir réservation parking, avion, taxi aller retour et de me transmettre tous les détails par téléphone et mail. Une petite angoisse m’étreint cependant ; j’ai pris de l’âge, je ne parle que le français et cela fait fort longtemps que je ne suis pas partie seule en voyage aussi loin. De plus j’ai du mal à réaliser, que dans quelques heures, je serai dans l’avion qui me rapprochera de ma fille que je n’ai pas vue depuis plus d’un an et Laurent que j’ai entrevu 2h à la maison.
Je termine ma semaine sur les rotules, les emplettes accomplies, les valises bouclées. Cette nuit sera courte, départ à 4h pour décollage à 7h de Marseille…
Programme Marseille, Paris, Bogota, Carthagène, avec vol et attente 2j de voyage.
J’arrive sans encombre à Cartagène le mardi à 21h (il est 15h à Nîmes).
Mon comité d’accueil, deux superbes moussaillons bleutés. Direction la marina pour retrouver Black Pearl au port. Je ne me fais pas prier pour rejoindre ma couchette à l’avant du bateau. Bercée par le roulis, je m’endors la tête dans les étoiles.
Cartagène est un grand port d’échanges commerciaux Cartagène est une ville de 1 100 000 habitants, la vieille ville en compte 14 000. Classée au patrimoine de l’Unesco, elle fut un bastion du royaume d’Espagne en Amérique du Sud, et une importante place stratégique surtout pendant la traite des esclaves, l’exploitation des ressources minérales et le pillage de l’or aux populations amérindiennes, (notamment aux Incas, l’or transitant par Cartagène). Après avoir passé le Panama, seule avec Veracruz, Cartagène avait le « privilège » d’agir comme la plaque tournante dans le commerce des esclaves.
Mercredi 14 novembre
Journée au port. Quelques papiers à régler et préparatifs pour le grand départ. Cora me fait la visite. Le bateau, un 10m77 petit mais suffisamment grand pour y vivre à trois, demande de la discipline car moult petits détails règlent la vie à bord.. Les espaces sont conçus pour être fonctionnels et agréables à vivre ;
Dans la marina, les petits voiliers côtoient les catamarans, les grands bateaux et toutes sortes d’éléments hétéroclites.
Une barque à moteur s’approche. Elle effectue un grand cercle au milieu de tous ces bateaux, le couple de pécheur déploie ses filets puis réeffectue un cercle en tapant l’eau avec des bâtons puis encore un tour pour récupérer les filets et les poissons pris au piège. Il est vrai que tout ce qui est consommable est jeté par-dessus bord.
Mais qui peut manger ces poissons péchés dans un port avec toutes les déjections et polluants.
Il y en a un qui ne se pose pas tant de question, un pélican .. .
Du bateau je découvre la ville moderne avec ses building, ses chantiers navals et même un sous marin côtoyant un cuirassé.
De la musique me parvient aux oreilles, les marins doivent fêter leur départ.
Lorsque le bateau reste à quai, c’est pour faire le plein de victuailles, eau ou réparations.
Cora sous les directives de Laurent répare le moteur qui a une avarie, c’est indispensable avant d’entreprendre la grande traversée.
Le remplissage des bâches à eau commence au port.
Il faut remplir des bouteilles de 5l qui seront transvasées dans les bâches par une ouverture située sur le pont. Il faut remplir 2 bâches de 30m2.
Les couleurs du ciel toujours en mouvement contrastent avec la chaleur locale 28 à 30°.
Le soir il fait moins chaud et nous pouvons aller nous promener dans la vieille ville (nous rentrerons en taxi car Laurent souffre de son pied). Après avoir déambulé dans de superbes ruelles, Cora s’étant offert un couvre chef , nous allons nous régaler dans un restaurant typique le SAN BARNABE où l’on consomme du poisson cru.
Une statue de BOTERO trône sur la place.
Jeudi 15 novembre
Aie, aie… gros problème. Mon passeport a disparu. Impossible de le retrouver on a tourné et retourné les sacs en vain.
La poursuite de mon voyage semble compromise.
Sans passeport impossible de quitter la Bolivie. Cora se met en quête d’alerter l’ambassade pour que je puisse au moins avoir un passeport provisoire me permettant de retourner en France. Je passe sur les détails qui ont généré du stress et nous ont fait perdre une journée. Les préparatifs de départ se poursuivent car si je retourne à Bogota, Co-Lau eux, continuent leur périple.
Laurent rentre les courses pendant que Cora vaque à d’autres occupations.
Ce soir réception sur le Back Pearl. Des Colombiens viennent prendre l’apéro.
Un des deux est pasteur aussi je m’empresse de lui parler de mes malheurs…
Vendredi 16 novembre
Le réveil est morose….. Mais surprise ! Le passeport a ré apparu. Dans mon sac. Mystère. Lorsque l’émotion domine, on peut éluder des évidences. Trop contente pour analyser et soulagée, l’atmosphère se détend. Bien entendu il faut annuler toutes les démarches précédentes et Cora doit encore se charger de la corvée .
Plus de problème, nous pouvons m’enregistrer et lever l’ancre demain.
Cora et Laurent restent à la marina pour enregistrer, pour envoyer des nouvelles sur ordi, etc… Moi j’ai permission de 2h pour aller me promener.
Armée de mon appareil photo, me voilà repartie sur les traces d’hier en direction de la vieille ville. Je la vois de la marina et mon sens de l’orientation ne m’a jamais fait défaut.
Je passe par le port de la vieille ville inusité, où mouillent deux superbes frégates, qui, à ce jour, ne servent plus que de supports publicitaires. Deux Pégases dominent sur leur piédestal, l’entrée du port.
Décor de carte postale par ses couleurs chaudes, la ville grouille de monde le soir. Dans ces quartiers a été tourné le film ‘l’homme de chevet’ avec C. Lambert et S. Marceau.
Je me ballade dans des ruelles pavées bordées de maisons aux jalousies fleuries, les places sont entourées de palmiers, les bâtiments ont de vastes arcades.
Un régal de se balader à pied ou en calèche . Les entrées au bois sculpté ouvrent sur de somptueuses et élégantes demeures ou sur des patios verdoyant envahis par le son magique des fontaines circulatoires. Par manque de temps je ne m’aventure pas dans le parc du centenaire où iguanes **, singes, paresseux et même crocodiles de 1m20 se côtoient en parfaite liberté, parait il..
Je retourne à la marina passant par le grand pont avec la vue au loin sur les quartiers modernes
En fin d’après midi, la température plus clémente nous invite à retourner dans les vieux quartiers. Équipés de vélos d’occasion nous voilà repartis dans ce quartier d’où se dégage une atmosphère nonchalante. Les placettes sont vibrantes d’amuseurs en tout genre, d’étals chargés de fruits, vendeuses et mixeur. On ne se lasse pas de se délecter de ces bons jus de fruit et du spectacle de la rue.
Nous partons en direction des remparts, nous pouvons y déambuler sur 8kms. Du haut de ceux-ci des vues merveilleuses s’offrent à nous sur ce petit paradis colonial . Juchés sur les remparts on aperçoit au loin le nouveau quartier . Les grands hôtels sont situés dans le quartier de Bocagrandé, neuf, touristique et sans grand cachet . Nous traversons la Plaza de la Aduana où les danses venues, avec les esclaves, d’Afrique gardent cinq cent ans plus tard une très forte identité africaine. Malgré la chaleur, ils sautent, dansent, courent et on ne se lasse pas de les observer. Il y a aussi la cumbia danse traditionnelle colombienne.
Il nous faut rentrer. Ce soir les voisins de Co-Lau (québecois et français) viennent leur souhaiter bon voyage . Chacun a amené sa spécialité et devinez, Cora offre très fière, sa charcuterie ardéchoise.
Samedi 17 novembre
Black Pearl est sur le départ, la dinghie remontée , les filets bien accrochés, le trajet préparé, c’est parti.
Il faut presque 3h pour quitter Cartagène, à moteur car pas de vent. J’ai le privilège de tenir la barre et nous voguons entre les bouées vertes et rouges qui balisent le chenal.
Cartagène s’efface dans le lointain. La basilique San Pedro et la cathédrale disparaissent peu à peu.
On passe les portes du chenal
Ça y est ! On est en plein mer, quelques dauphins nous accompagnent.
De samedi 17 jusqu’à mardi 20 novembre
Sans halte nous naviguons en pleine mer. Personne à l’horizon. Personne aux alentours. Seuls au monde. Pas de vent, le bateau navigue en automatique, aussi chacun fait ce qu’il lui plait.
Idéal pour l’introspection, la méditation, la réflexion.
C’est assez impressionnant de se sentir si petit, si fragile au milieu de cette immensité liquide.
La petite bise dans les cordages, le clapotis des vagues, tout incite à la détente. Je savoure ces moments paisibles et préfère dormir dehors, m’emplir du silence.
Laurent décide de pêcher à la traine mais rien ne mord. Pas de poisson pour le diner.
Cora termine le salage de sa viande à la méthode cro magnon. Quand il n’y aura plus une goutte de sang, elle rejoindra les réserves pour une préparation culinaire ultérieure.
Même si la navigation se fait au pilote automatique, il faut quand même rester de garde la nuit, car peu de vent et celui-ci change de cap souvent. Pour que chacun puisse se reposer sans inquiéter son coéquipier, Laurent a ajouté une sécurité. Bien entendu les gilets de sauvetage sont obligatoires, mais en plus il faut s’attacher. Un mousqueton nous relie au bateau. Car de nuit comme de jour il faut aussi aller à l’avant faire des manœuvres ou des vérifications.
Pendant 3 nuits et 4 jours, le temps passe lentement, et cependant les journées s’écoulent rapidement.
Le soleil alterne avec l’orage, sans pour autant diminuer la température.
Les bourrasques font claquer la voile, le tonnerre, les éclairs animent la nuit noire.
Il faut faire le point régulièrement, chercher la meilleure façon d’optimiser le déplacement.
On ne s’arrête pas pour se baigner ou autre. On avance.
Sur le bateau la vie se déroule au ralenti, entre farniente, lecture, préparation des repas (composés de fruits, légumes et papaye).
Le petit frigidaire, bien achalandé nous offre moult choix
Dans la petite cuisine, Cora s’affaire même à la préparation d’un succulent gâteau à la banane
L’après midi Laurent s’offre son barbier préféré et c’est Cora qui s’occupe de la coupe aux ciseaux
Quand on est en pleine mer, il faut faire attention à l’eau. Aussi la vaisselle se fera à l’eau de mer ainsi que les douches écologiques.
La nuit je m’endors bercée par le tangage et le roulis, la pluie tombe sur le hublot au dessus de ma tête (quand il pleut trop je suis obligée d’aller sur ma couchette).
La vie sur le bateau est une bonne école à l’économie, sans se rationner, sans manquer de rien, en consommant des dizaines de fois moins que ce à quoi nous sommes habitués dans le monde moderne. Ex l’eau, sur le Black Pearl on consomme 5l/j/personne.
Nous voguons à la voile jusqu’à arriver aux premières îles des San Blas
Le confort occidental est chamboulé, les priorités sont boire, manger ; dormir, se reposer, bouger.
Finit la course ! Et pourtant que d’activités ! Sur le bateau les journées sont pleines.
L’éolienne et les capteurs solaires servent à avoir le minimum d’énergie pour le fonctionnement du frigo et des appareils de navigation.
L’ARCHIPEL DES SAN BLAS
C’est un territoire indépendant car la justice panaméenne n’a pas de pouvoir pénal sur ce qui se passe aux San Blas. Les Kunas ont des députés à l’assemblée nationale panaméenne dont un président en 1999. Ils ont obtenu l’autonomie pour l’administration de l’archipel. Ils sont les décideurs.
Archipel constitué par 365 îlots coralliens sur 160kms, y vivent environ 50 mille habitants sur une soixantaine d’îlots.
Cet ensemble d’îles est constitué de cayos (amas de rochers), abrités par la barrière de corail.
La nature y est préservée, sauvage. Les iles sont recouvertes de plantations de cocotiers. Il est interdit d’en ramasser. Ces plantations sont gérées par les familles Kunas, qui à tour de rôle viennent les cultiver, les ramasser les entretenir ; c’est ce qu’ils appellent « le devoir commun ».
La récolte est regroupée dans une cave coopérative et revendue aux colombiens qui les utilise dans l’industrie cosmétique (500 noix de coco = 100$)
Les Kunas vivent aussi de la pêche à la traine, fil trainant derrière leur ulus (barque) ou au filet, ou pêche à la lance à la marée basse lancée à 2-3m .
L’ ulus est propulsé à la rame ou avec une voile aurique. Certains ont un moteur.
Peuple matriarcal et monogame, les femmes occupent une place importante et respectée. La femme dirige la maison et les finances.
Elles choisissent leur mari qui va les protéger et leur éviter des tâches pénibles. Après le mariage, le mari n’a qu’une femme et s’installe chez ses beaux parents pour qui il travaillera. Il y a 2 à 3 enfants par famille.
Les enfants vont à l’école, les plus doués continuent leurs études à Panama. Ils peuvent devenir professeur ou « sailas kunas ».
A la puberté, les filles coupent leurs cheveux pour montrer qu’elles sont égales aux hommes (et les laissent repousser par la suite).
Les femmes transmettent la tradition notamment la fabrication manuelle des molas, carré de tissu, emblème de la culture Kunas, superposés les uns sur les autres aux couleurs vives, utilisant la technique de l’applique inversé.
Au 16° siècle, les Kunas vivaient nus, le corps recouvert de peinture. Les conquistadors les obligèrent à porter des chemises. Les molas sont les reproductions des peintures qui ornaient leur corps. Les dessins peuvent représenter des scènes de vie, des animaux, des dessins géométriques.
Coquettes les femmes intègrent le molas dans leur blouse. Les bras et les jambes s’ornent de bracelets de fines perles, et un anneau d’or dans le nez complète leur tenue.
Les San Blas, coin de paradis paumé dans la mer des Caraïbes, territoire des Kuna Yala « peuple de la terre ».
Les couleurs s’harmonisent entre l’émeraude, le turquoise et le bleu de la mer, tacheté par le costume blanc du sable des îlots et le vert des cocotiers.
Ces couleurs fantastiques en font un des archipels le plus beau au monde.
Une palette marine où se mêle ce translucide de l’eau sur le sable au turquoise qui se densifie en plongeant vers le sombre des abysses.
Co-Lau décident de mouiller non loin d’une île. J’admire leur maitrise et savoir faire. Sur le bateau il faut un capitaine. A tour de rôle chacun est capitaine et l’autre second. Le second exécute les ordres du capitaine. Par signe ils se comprennent et s’échangent les actes indispensables à accomplir.
Bercés par le clapotis, l’esprit vagabonde. On est vraiment hors du temps. La glisse d’une pirogue apaise, pas de bruit le brise légère, la mer.
Comme il fait beau on décide d’aller faire un tour en dinghie.
On ne peut aborder un îlot sans s’acquitter de 1$ par personne. Les Kunas sont envahis par les touristes et n’apprécient pas qu’on les prenne en photos ou qu’on s’impose dans leur territoire sans leur permission.
Sur chaque petite île habitée, il y a une maisonnette en bois, une petite plage, une barque.
Le séjour se termine, on se rapproche du Panama. Arrivés devant l’îlot où se trouve la douane, on va s’acquitter des enregistrements. Bien sûr, pas de magasin, mais une piste rudimentaire pour les petits avions.
Co-Lau me font découvrir les fonds marins, coquillages, coraux, étoiles de mer , etc…Sortie snorkling ; armé de masque, palmes et tuba nous voilà barbotant au dessus des coraux . Il faut bien faire attention de ne pas poser les pieds sur le sable (pour ne pas avoir de mauvaise surprise et surtout ne pas abimer la flore et la faune).
Nous sommes entourés par une dizaine de bateaux. Tellement seuls pendant ces quelques jours, que j’ai l’impression d’être dans une foule.
Hélas il va falloir plier bagages. Alors pour la dernière soirée, Laurent m’offre un cocktail fait maison et une dorade séchée et reconstituée que nous savourons.
Bon cuisinier, Laurent, oui il peut envisager le repas de ses noces….
Samedi 24 novembre
Départ sous la pluie, en barque pour rejoindre la côte panaméenne ; 2h de navigation sous un plastique que nous a prêté complaisamment le pilote. Il s’arrête à chaque ilot habitable pour prendre des passagers. Cora m’accompagne.
Après moult discussions, je pars seule dans un taxi. Le retour se fait en 4X4, vu la route à faire, de véritables dos d’âne couplés à de multiples épingles à cheveux. Impossible de rouler à plus de 50km/h.
La semaine est terminée. Je me suis bien reposée loin du tumulte de la vie trépidante. Je retourne à la civilisation, au bruit, au timing.
Le soleil n’était pas toujours au rendez vous car l’hiver arrive, mais les beautés environnantes, la gentillesse de mes hôtes, la température extérieure m’ont fait oublier ces quelques désagréments.
Merci Cora, merci Laurent pour cette merveilleuse semaine au bout du monde dans ce décor idyllique °°° qui vous prépare bien à votre vie de jeunes mariés !
A bientôt donc.