Nous voilà à l’aéroport de Sin Marteen, où nous laissons les Miranda’s Girls pour récupérer la maman de Laurent (Marie-françoise) et sa marraine (Evelyne), alias les « Grands mères ».
« Grand-mères »? Vous avez dit??? Eh bien elles n’ont que la fonction du nom, car en terme d’énergie, on n’est loin d’avoir eu à bord des « grands mères »….
Voici leurs aventures:
De Évelyne:
Navigation
Avant de prendre l’avion pour Saint Marteen, j’avoue que j’étais un peu inquiète. Le journal de bord de Laurent et Coraline racontait leurs péripéties d’amarrage, leurs difficultés à entrer dans un port, leurs pannes diverses, et je réalisais que ni Marie-Françoise ni moi ne serions capables de les aider.
Mes 35 étés passés à me promener en Bretagne sur un california ne m’ont pas appris grand chose. Les enfants se disputaient l’honneur d’exécuter les manœuvres commandées par le capitaine Caddy, je me contentais de les regarder. Or, c’est en pratiquant que l’on apprend.
Notre petite conversation à l’arrivée me rassure vite. Ils sont sur leur bateau depuis 3 mois, ils ont acquis de l’expérience, Laurent a fait des régates avec un first à la Réunion et maintenant il se sent bien sur le Black Pearl. Il en connait toutes ses possibilités et ses limites. Me voici en confiance. Marie Françoise n’ayant jamais fait de bateau, elle n’imagine même pas qu’il puisse y avoir des soucis. Donc, tout va bien.
Première Nav’ :
Départ de Saint- Marteen pour l’anse du Colombiers sur l’île de Saint- Barthélémy pour notre 1ere » nav » . L’équipe Laurent Coraline semble très au point .A chacun son poste et son travail . Le bateau gîte et avance bien, le vent nous caresse le visage, la mer est turquoise, nous sommes en vacances. Et si c’était ça le bonheur !
Puis le vent tourne, nous avançons nez au vent … la nuit tombe. En pleine mer, c’est subjuguant. Nous longeons la Roche bœuf que l’on devine à peine avec l’impression qu’on n’arrivera jamais à la dépasser. On a affalé les voiles et mis le moteur mais ça ne change rien à cette sensation maintenant de faire du sur-place. Je finis même par me demander s’il n’y aurait pas des algues coincées dans l’hélice. Non, dit Laurent, on a un vent et probablement des courants contraires. La mer et son immensité sont une école de patience. Outre l’habitacle et ses couchettes, son bateau est équipé d’un matériel de navigation bien plus sophistiqué que le nôtre. A tout moment on peut connaître la profondeur de l’eau, un GPS montre le cap à tenir et signale les îlots alentours, ce qui permet d’avancer dans le noir en évitant les écueils et sans se soucier de consulter des cartes. Il donne aussi la vitesse à laquelle nous avançons. Pas rapide, mais on avance.
Il fait nuit noire quand nous approchons du Colombier. Il y a là plusieurs bateaux et il faut trouver et attraper une bouée invisible. On scrute l’obscurité. Le capitaine d’un catamaran finit par éclairer la mer. Solidarité de marin. Laurent barre, Coraline attrape la bouée. Tout se passe dans l’ordre, dans le calme Des maîtres de la navigation ! Félicitations à tous les deux, je suis épatée.
Un peu plus tard, dans la même nuit bien noire, un autre bateau arrive. Il tourne, il rate un premier amarrage puis un second, les équipiers s’énervent et crient. Des amateurs à côté de notre équipe.
Je suis prête à aller au bout du monde avec eux.
Deuxième Nav :
Après une matinée d’initiation au snorkelling dans cette petite anse intime, presque sauvage, nous projetons de rejoindre la baie de Saint Jean où nous attend une grande plage de sable fin aux eaux d’émeraude, plus classique des Caraïbes.
Le climat en décide autrement.
Un vent de force 3 nous fait tirer des bords agréables. Laurent m’a proposé la barre, il est calme, pédagogue, et je m’amuse. Vue la rapidité avec laquelle Coraline s’est initiée aux maniements de la navigation, même si elle est très douée il doit être excellent professeur.
On est le seul bateau qui navigue. Cela m’avait déjà frappée à notre arrivée en avion. Du ciel on ne voyait aucun voilier sur la mer . Cela me change des côtes bretonnes au mois d’août. Coraline explique que de nombreux voiliers sont réunis vers d’autres îles pour une régate réputée. Le fait de naviguer en solitaire ajoute à la sensation d’immensité.
Le ciel se charge de nuages. La mer devient noire. Laurent change de cap. Bientôt nous ne naviguons plus que pour nous amuser à éviter les grains. On m’avait prévenue que c’était la saison des pluies mais je n’imaginais pas être obligée de caper un ciré breton. La pluie n’est pas froide et c’est un bonheur de naviguer même dans ces conditions.
Pour le plaisir de continuer à la voile et profiter d’un bon vent de ¾ nous partons finalement à Gustavia, la capitale de Saint-Bart’. Luxe de liberté : choisir son cap selon le vent et les nuages. Douces vacances sans contraintes.
Le port est bien encombré, il faut trouver une place pour jeter l’ancre. Nous tournons un bon moment au milieu des bateaux. Laurent est très précautionneux. Il faut réussir à se glisser au milieu des autres tout en gardant assez de distance. Le vent peut se lever et tourner. Il fait virer les bateaux qui, n’offrant pas tous la même prise au vent, ne bougent pas de la même façon et peuvent se cogner pendant la nuit. Après chaque amarrage, Laurent revêt palmes masque et tuba et plonge au fond de la mer pour s’assurer que l’ancre est réellement bien accrochée. Ainsi il peut dormir tranquille.
L’endroit ne me semble pas aussi somptueux que je l’imaginais. Je suis un peu déçue. Mais, le soir, quand nous prenons l’annexe pour nous rendre dans ce qui paraît être de loin une petite ville banale des Caraïbes, nous arrivons dans une marina où les plus luxueux bateaux sont rassemblés.
Ils sont bien là les richissimes dont on a tous entendu parler.
La pluie redouble d’intensité quand nous arrivons dans un restaurant au décor tropical, aux convives branchés ( des résidents de Saint Bart’ recevant des amis de passage en bateau). Menu exotique. J’ y déguste entre autre un plat de patates douces, les meilleures que j’aie jamais mangées. En fin de repas, le petit verre de rhum est un rituel offert par le restaurateur. On nous en offre même plusieurs pour attendre que la pluie cesse de déverser ses trombes d’eau. Je crains le pire pour demain matin.
Au retour, l’annexe s’est remplie d’eau. Laurent écope. Pendant ce temps un groupe d’étrangers cossus rejoignent aussi leur annexe à côté de nous. Les hommes sont ivres, ils écopent un minimum et ont de l’eau à mi-jambe. Les femmes, d’un certain âge, élégamment vêtues, s’assoient sur le quai mouillé, sautent dans le youyou, aspergent les belles robes, glissent et se font mal. Pas si cool la vie de milliardaires finalement. Passer du bateau dans l’annexe et de l’annexe au quai et vice versa requiert un minimum d’agilité.
Coraline a des yeux de chat et réussit à retrouver le Black Pearl dans la nuit.
Nous comprenons ce que le Patuelli (LE guide) voulait dire quand il annonçait un mouillage peu confortable, avec roulement. Toute la nuit nous sommes ballotés de droite à gauche, de gauche à droite. Oh les pauvres bébés que l’on berce ainsi pour les endormir ! Le filet de fruits et légumes se balance au dessus de ma tête, (ne pas oublier de manger les bananes demain matin, elles sont à point, leurs effluves me chatouillent les narines). La bouteille d’eau mal rangée chute et roule. Mais personne n’a le mal de mer. Ouf !
MFr s’est installée dans une cabine à l’avant et s’y sent bien. Moi j’ai eu l’impression d’étouffer dans un espace aussi étroit. La première nuit j’ai tenté de dormir dehors, sur les couchettes du carré. Un petit crachin m’a réveillée à 2 h du mat et à 3 h une grosse averse m’a contrainte à rentrer. Comme la météo annonce de la pluie toutes les nuits, depuis je m’installe directement sur la couchette du salon. C’est un peu étroit, ça sent la banane mais c’est parfait. Je dors très bien.
Au lever du jour, Coraline, seule et sans un bruit, enfile palmes et masque. Je la regarde nager le crawl, sans hésiter à traverser le chenal des bateaux, et s’éloigner à perte de vue en direction d’un rocher. A son retour elle nous racontera, encore bouleversée, son émotion de s’être trouvée nez à nez avec un énoooorme poisson qu’elle suppose être un requin. La peur l’a faite se hisser sur le rocher avec ses palmes de près d’un mètre. Après s’être assurés qu’il s’agit bien d’un requin mais un requin dormeur donc sans danger, Laurent et Coraline ne peuvent s’empêcher de retourner le voir de plus près. Je me contenterai de suivre les petits poissons au dessus de l’épave où les requins ont élu domicile.
3eme Nav
De Gustavia à Tintamarre, une île inhabitée avec jolie plage sauvage, environ 3 heures de navigation si les vents nous poussent bien.
Nous partons un peu tard parce qu’un gros poisson, ou un petit requin dormeur, est venu chercher un peu de nourriture autour du bateau. Il faut dire qu’on jette par-dessus bord tout ce qui est comestible pour les poissons : peaux d’ananas, de mangues, reste de riz ,etc et je suppose que les autres bateaux font la même chose. Coraline lui donne même un supplément en puisant dans les réserves de pain, pour pouvoir l’admirer le plus longtemps possible. Laurent n’apprécie guère, il gère les stocks, pas de réapprovisionnement envisagé avant plusieurs jours.
Laurent me confie à nouveau la barre et je me régale. Nous remontons « au près» sur une mer noire sous un ciel toujours noir et nous gitons. Nous atteignons jusqu’à 7.6 nœuds, je crois. La barre est un peu dure mais je m’applique à tenir jusqu’au bout. C’est mon challenge. En Bretagne, quand, à proximité du port de Camaret, sur notre Benetteau de 6,50 m nous nous faisions doubler par des firsts de 10 ou 12 m comme celui-là, j’enviais leur aisance et je me demandais quelle impression pouvaient avoir les passagers sur un bateau ainsi penché . Maintenant, je sais. Même pas peur ! Et c’est divin de sentir par moments pendant quelques secondes le bateau surfer sur le haut de la vague. Pendant les 3 heures de traversée nous croisons un voilier, un seul. Ça me sidère. De nombreux bateaux ne sortent jamais du port, dit Laurent et ceux qui se promènent, restent facilement 8 ou 15 jours à la même place.
Nous arrivons à Tintamarre au coucher du soleil. Trois autres bateaux sont déjà amarrés mais il reste quelques bouées libres. Laurent choisit la plus près de la plage, la plus éloignée des autres visiteurs. Je garde la barre, Coraline attrape la bouée avec virtuosité à nouveau. C’est sympa de vivre avec des gens doués.
Sable blanc, filaos, végétation tropicale, demain à nous les Caraïbes ! Ce soir nous sommes tous KO et seulement contemplatifs. La nage, le vent, l’air marin, ça épuise.
Anecdotes
Laurent et Coraline sont maintenant tellement imprégnés de soleil et de vie en mer que même quand il pleut à verse, Laurent, prévenant, propose à sa maman : tu veux te mettre à l’ombre?et Coraline au restaurant, au lieu de demander de l’eau plate, commande de l’eau douce.
C’est à mon tour de me lever avec le soleil et l’envie irrépressible de plonger aussitôt dans cette mer transparente rejoindre la plage déserte et fouler le sable blanc. Tout le monde dort encore sur tous les bateaux. Il fait beau, comme tous les matins depuis que nous sommes arrivées. Le temps se gâte dans l’après-midi.
Je me glisse dans l’eau. Calme, beauté, volupté. Je nage au milieu des tortues, je les regarde manger des herbes au fond et je fais la course avec elles quand elles montent respirer à la surface. Sur le bord des rochers des poissons multicolores, bleus ou jaunes fluorescents défendent leur territoire. Sur la plage, j’enlève les palmes et j’enfonce mes pieds dans le sable fin déjà chaud. Ailleurs, dans un autre monde, les gens s’agitent. Laurent et Coraline dorment encore sur le bateau. Comme ils ont eu raison de s’arrêter, souffler et prendre à la pelle cette bouffée d’émerveillement.
Je traverse la plage et marche jusqu’au rideau de végétation. Des pancartes m’arrêtent : Attention danger. Sans mes lunettes je ne peux lire la suite. Quel monstre peut bien rôder sur cette île ?
Laurent expliquera que certains arbres pleurent des larmes d’acide et brûlent la peau. Les pancartes préviennent aussi de la présence de staphylocoques. Nous éviterons donc les entrailles de cette île aux abords pourtant tellement paradisiaques.
Retour sur le bateau où Laurent et Coraline ont préparé le plus enviable des petits déjeuners : café noir (pas du nescafé) du vrai café, toutes sortes de pains et céréales, et quotidiennement un fruit frais local : mangue, ananas, papaye etc.. toujours mûrs à point. Même les grands hôtels n’en offrent pas de si bons. Cela au milieu des tortues et salués par le saut d’une énorme raie qui vient s’ébrouer à proximité.
Laurent a dit : on n’est pas obligé de naviguer tous les jours. C’est donc décidé, aujourd’hui : farniente et snorkelling. Nous partons tous les quatre. Laurent et Coraline sont des pros de la discipline, MFr a aussi déjà pratiqué, elle est à l’aise. J’ai beaucoup plus de mal. Mais les paysages sous-marins sont tellement beaux que je ne voudrais manquer ça pour rien au monde. Une fois de plus, Laurent se montre excellent formateur et je finis par respirer à peu près normalement dans le tuba. Les fonds grouillent de poissons, c’est superbe ; on croise même des langoustes. Mais nous sommes en zone protégée, interdit de pêcher. Nous nageons pendant plusieurs heures. Un bémol : comme à Eilath en Israël les coraux ont perdu leur jolie couleur rouge. Effet de la pollution ? On ne sait pas trop.
Un événement insolite nous occupe le reste de la journée.
La police maritime vient accoster chaque bateau pour demander si quelqu’un n’a pas vu ou entendu quelque chose d’anormal. Mais on ne nous dit pas ce qu’on était censé entendre. Laurent branche la radio maritime. Les imaginations vont bon train. M Fr : « Saint Martin, c’est la plaque tournante de la drogue, ça doit être un règlement de compte. » A son réveil, par le hublot de la cabine elle a vu un hélicoptère remonter un corps. Nous sommes en plein délire. La police a lâché des hommes sur la plage, elle ramasse des débris. M Fr : « Le vent a tourné cette nuit, peut-être une explication. » La police évacue les touristes sur la plage, mais pas les bateaux. Par radio on entend que la navigation est interdite sur une partie du secteur, des épaves présentent un danger. Il s’agit peut-être tout simplement de bateaux qui sont entrés en collision. Apparemment l’accident a eu lieu au petit matin quand nous dormions encore. Le bruit couvert par le ronflement de la mer, le vent, la pluie et le cliquetis des drisses, ne nous est pas parvenu.
Finalement on apprendra par le journal local acheté deux jours plus tard à l’aéroport qu’il s’agissait d’un avion sanitaire qui s’est crashé peu après le décollage à quelque distance de nous. Il transportait un malade cardiaque en voyage de noces, un médecin et une infirmière. Tous les trois et le pilote sont morts. Triste histoire.
Profitons de nos vacances, elles sont bientôt finies.
Laurent et Coraline passent une journée très cool sur le bateau et je sens poindre une petite inquiétude chez MFr : après avoir goûté une telle liberté, Laurent et Coraline sauront-ils arrêter et reprendre le chemin du travail ?
Retour à Saint Martin, versant français de l’ile, à la voile d’abord puis au moteur quand nous longeons la côte qui nous dévente. L’éolienne est cassée, on ne peut compter que sur le moteur pour recharger les batteries et avoir de l’électricité est bien utile le soir. Ici il fait nuit à 18 h. Le panneau solaire n’a pas un rendement suffisant en cette saison de pluies.
Souci : de l’eau coule dans le bateau. Après inspection, Laurent découvre une fuite dans les réserves d’eau douce, située sous les banquettes du salon. Nous faisons une halte près d’une plage bordée de palmiers et pendant que nous nageons et plongeons pour ramasser des lambics à quelques 5 ou 6 m de profondeur, Laurent essaye de colmater la fuite.
Sans succès !. Nous sommes invitées à prendre des douches à volonté sinon les 150 l d’eau douce vont partir à la mer. Laurent est effaré par le coût d’entretien du bateau. D’abord le pilote automatique, réparé depuis mais qu’il évite d’utiliser en sur régime pour ne pas l’endommager à nouveau. L’éolienne actuellement en réparation. Et aujourd’hui la poche d’eau qu’il faudra remplacer d’urgence. Le sel, les bourrasques, le mouvement constant usent tout prématurément, c’est certain.
L’eau douce, le problème des navigateurs.
Laurent nous avait prévenues dès le premier soir : « à utiliser le plus modérément possible». 2,5 l pour la douche, c’est une habitude à prendre. Pour la vaisselle on lave à l’eau de mer, on rince une fois à l’eau de mer et seulement après on utilise l’eau douce. Pour remplir les containers il y a 2 solutions. Aller au port avec le Black Pearl, accoster près des robinets, payer et se servir mais les robinets sont très difficiles d’accès tellement les ports sont encombrés. Laurent et Coraline ont trouvé un autre système. Ils ont amassé une cinquantaine de bidons de 10 l dont ils ont fait une amusante guirlande qu’ils chargent dans l’annexe et c’est en annexe qu’ils vont chercher l’eau. Au retour ils vident les bidons dans la cuve. C’est tout un travail de manutention. Dans les deux cas le litre d’eau revient très cher.
Paysage plutôt sauvage parsemé de quelques ilots de résidences pour touristes et de villas perchées au milieu de la verdure. Beauté tranquille et ensoleillée pour nos dernières heures sur la mer des Caraïbes.
Nous fêtons notre dernière soirée au restaurant de la pêche mais c’est décidé, nous ne mangerons pas de langouste, nous préférons un poisson local dont j’ai oublié le nom mais qui est des plus délicieux. Si mon souvenir est bon, Laurent se fait un régal d’un plat de viande grillée.
Dernière matinée : valises, achat de rhum, cartes postales, journal de bord, couture pour MFr. On leur doit bien ça, dit-elle, impressionnée par tout le travail qu’exige la vie sur un bateau. Toujours tout ranger minutieusement, car l’espace est étroit et, sans un ordre rigoureux , très vite on ne retrouve plus rien. Aujourd’hui Laurent et Coraline ont loué une voiture pour transporter nos bagages à l’aéroport. Pour eux ce sera aussi plus facile pour charger l’eau, leurs provisions de nourriture pour la semaine et emmener leur lessive à la laverie. Tous les deux ont une garde- robe digne de mannequins en défilé de mode. Ils ne se laissent pas aller à la bohème sur leur bateau. L’un et l’autre toujours nets, d’une élégance raffinée.
L’avion a une heure de retard. Un peu de rab pour prolonger nos adieux.
Merci Laurent, merci Coraline, pour tout ce que vous nous avez montré, merci de nous avoir consacré ces journées avec autant de gentillesse et de sourires.
J’ai été la marraine d’un enfant à qui j’ai offert quelques albums Tintin, j’ai découvert à l’occasion de ce voyage, l’homme qu’il est devenu : amoureux, heureux, plein de sagesse, et docteur en Génie des procédés.
Au revoir, Pirates, voguez vers les îles Vierges et les autres. Surfez, aimez-vous. Profitez à fond de ce moment de vie inoubliable.
De Marie-Françoise
Requiem pour les coraux
Si je n’ai plus envie de faire de plongée, avant de partir j’avais quand même entraîné Evelyne chez Décathlon pour acheter masque, palmes et tuba (pour pratiquer le « snorkelling »). Plages de sable blanc, eaux turquoises apparemment nous étions bien en zone tropicale, les fonds sous-marins devaient être beaux. Oui mais, nous ne sommes plus dans les années 70, où nous plongions pour admirer des fonds superbes, des multitudes de coraux, des poissons clowns qui se faufilaient dans les anémones de mer, c’était ce que je préférais. Hélas, tout ceci a disparu. En trente ans les fonds sont passés du technicolor au sépia. Il reste quelques poissons colorés. J’ai éprouvé un grand blues, à titre personnel et pour la planète. Laurent m’a dit « maman tu sais bien que presque tous les coraux ont disparu sur toute la planète ». A mon retour, j’ai vu quelqu’un qui rentrait de Thaïlande et avait fait le même constat. Mais nous avons eu le plaisir de nager avec les tortues. Longue vie les tortues.
Avez-vous déjà cousu sur un bateau ?
Pour coudre il suffit d’une aiguille et du fil, on enfile le fil dans l’aiguille, on pique l’aiguille et en quelques points c’est terminé. Sur un bateau, ça devient toute une histoire. Les aiguilles sont rangées précieusement dans une boîte à l’abri de l’humidité, oui mais celles du Black Pearl sont là depuis un certain temps et ont rouillé. Après les avoir fait tremper dans le pétrole, une seule peut être sauvée, elle ne glisse plus. Je la frotte, telle l’argenterie, avec la pâte qui sert à entretenir les « tubes » en inox, pour lui redonner sa « glisse ». Maintenant « yapluka » coudre. Le fil est un peu gros, il passe juste dans l’aiguille. Une fois face au niveau de la couture à reprendre, je comprends que l’opération sera, une fois encore, plus longue que sur terre. J’ai vu Laurent passer une heure à dévisser les vis d’une marche cassée de l’échelle. Ce n’est jamais calme sur un bateau, même au port.
Le pare soleil est en hauteur, c’est en position debout qu’il faut travailler, avec le gentil petit mouvement permanent mais irrégulier du bateau, je dois déjà tenir en équilibre, puis viser le trou où je dois piquer, à ce moment une fois sur deux le bateau bouge et on reprend… La réparation s’est finalement bien passée, je ne me suis pas piquée une fois.
Alors Laurent tout sourire a sorti des petits morceaux de cuir tout neufs, déjà troués pour remplacer les anciens cuirs de protection des tubes des filins. Ces tubes, bien qu’en inox de haute qualité, finissent par s’oxyder. Là c’est plus facile, je suis assise. Par manque de pièces, mon chantier n’est pas terminé. Désolée. Je ne propose pas d’aller le terminer à Panama, j’aurais bien aimé voir Panama et revoir Laurent et Coraline une fois avant Noël mais laissons les vivre leur aventure. Les avoir vus une fois en un an c’est déjà bien.
Marie-Françoise
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