Dimanche midi, le vent ne cesse de forcir… Une lointaine barre noire à l’horizon laisse présager du mauvais temps… Mais vers 15H, toujours rien… Le capitaine prend les devants : « on ne mettrait pas la trinquette au cas où ?…D’apres les grib, le coup de Mara’amu devait arriver dans la nuit… Il ne faudrait pas se laisser surprendre ! »
Branlebas de combat, le capitaine s’affaire à l’avant tandis que Cora gère les manœuvres avec le capitaine entre deux chansons pour bébé qui s’impatiente dans son siège. (Ah qu’est ce qu’on aurait bien aimé avoir une Moma !)
Ah la trinquette…. Mais bénissez cette trinquette… Particulièrement sur cette dernière traversée…. Quel beau cadeau de mariage..
Le train-train habituel du bain, puis 17H toujours rien… On peut même constater une baisse singulière de la force du vent qui a chuté de 17-18kt à quelques nœuds…. On en profite alors pour mettre le moteur et le désalinisateur (nous n’avons plus d’eau douce). L’équipage se réconforte en pensant qu’il serait plus aisé de remettre le génois dans la nuit que d’installer la trinquette…
Nous allons rentrer dans la zone critique de notre traversée : les tuamotus….. Ce sont pleins d’atoles qui parsèment notre route d’obstacles. Il faut donc bien veiller et surtout avoir un bon GPS avec des cartes marines précises. Ce sont des îles basses impossibles à voir de nuit. A la tombée de la nuit, d’un coup d’un seul, le vent monte à nouveau mais cette fois-ci violemment… Il est frais, il est orienté sud, sud-est : voilà notre Mara’amu..
Au bout de 2 heures nous avons enfin passé le premier motu. Le capitaine qui a stressé pour le dépasser, s’endort aussitôt… Bébé, lui, comme à son habitude s’est couché avec le soleil. C’est donc Cora qui prend le premier quart, il faut surveiller avec attention le passage du deuxième motus… La mer s’agite de plus en plus avec le vent qui ne cesse d’augmenter… 18-20kt deviennent alors une constante à l’anémomètre avec des rafales allant jusqu’à 25kt.
La houle se fait de plus en plus oppressante en s’explosant d’un lourd fracas sur la coque. Elle creuse, si bien qu’ à certains moments, le Black Pearl paraît voler avant de chuter violement de sa course effrénée dans un son sourd. Commence alors une nuit infernale qui rappelle un « déjà vu » de la traversée du pacifique. Le vent ne descend maintenant plus en dessous de 25kt… Les rafales montent facilement à 30kt et parfois même à 35kt. Malgré tout c’est le calme à bord pour bébé qui s’accroche au sein de maman quand il se réveille.
Après 4,5 ans, nous connaissons bien notre Black Pearl et nous sommes convaincus de sa capacité à encaisser un gros temps comme celui-ci. Toilé comme il faut, notre bon vieux sparow à la barre assure un pilotage minutieux. Une erreur pendant la traversée des Tuamotus, peut se révéler fatale.
Le capitaine ne dort que d’un œil. Les prochaines 24H vont être éprouvantes pour tout l’équipage… Durant la nuit aucun de nous ne se repose sereinement… Chacun souhaite plus que tout que l’accalmie ne se fasse pas trop désirer.. En discutant le lendemain, on s’apercevra que chacun de nous s’est imaginé des scénarios plutôt sordides… Les questions « était ce un peu inconscient ? » « et si on devait évacuer, comment cela se passerait il avec le bébé ? » n’ont cessé de traversée les esprits en alerte. D’aillleurs la pire question a été : « et si bébé tombe à l’eau ? » La réponse étant « Il ne faut pas que ça arrive car on ne saute pas à l’eau dans une mer démontée… Les chances de survie sont quasi nulles !!! »
Plus d’une fois chacun se sera dit : « mais pourquoi diable vouloir racheter un bateau ?! », « Adieu la vie sur les flots !», « mais pourquoi avoir décidé de partir en France le 5 juillet !!! On aurait pu partir plus tard en espérant des conditions plus clémentes… »
C’est assez marrant car durant notre dernière semaine de cours, nous avons tous les deux passé les films du black pearl à nos élèves respectifs… Et tous les deux avons pensé en regardant celui de la traversée du pacifique : « ah finalement ce n’était pas si terrible, c’était même bien… Il faut repartir c’est sûr !!!! »…. Autant vous dire que pendant cette nuit infernale, nous nous sommes repentis d’avoir pensé ainsi…
A chaque embardé du bateau mes mains viennent s’appuyer sur chacune des parois de la cabine afin d’éviter de rouler sur bébé (qui lui ne s’est toujours pas inquiété de ce mouvement désagréable).
La nuit passe, mais au petit matin rien n’a changé… C’est peut être même pire… La houle a encore creusé, on peut avoir facilement 4m de creux… Personne ne sort dans le cockpit, tout le bateau est fermé… Même la descente car quelques vagues sont passées par dessus et inondent alors l’intérieur du bateau….Temoe bien réveillé a envie de bouger… Il faut alors se le passer de la cabine au carré, puis du carré à la cabine dès qu’il s’ennuie…. Nous le tenons fermement… Lorsque nous nous déplaçons, nous faisons très attention à ne pas se faire surprendre par les embardées du bateau, pour ne pas être projetés à l’opposé…Dans la cabine (sécurisée par de nombreux coussins sur les parois), Temoe essaye de compenser les mouvements du Black Pearl, mais ce n’est pas toujours évident, alors il roule d’un côté puis de l’autre et rigole… Malgré le temps, nous ne pouvons manquer son moment préféré à savoir le BAIN…. L’eau claque sur un bord de sa baignoire puis se déplace à l’autre… Bébé se marre….C’est certain Temoe n’a pas le mal de mer….
2 réponses à Comme un air de déjà vu