Les quatre premiers jours, Black Pearl s’éloigne rapidement des Galapagos…. Le vent oscille entre 12 et 15 nœuds avec une orientation Sud – Sud-Est, le courant est avec nous. Bref nous filons entre 5 et 6 nœuds… Notre allure est plutôt confortable: comme prévue entre le largue (à 90° du vent) et le vent arrière (120°)… Avec une moyenne de 120 miles journaliers, cette traversée s’annonce vraiment bien… Depuis que nous avons quitté les courants froids des Galapagos, la température extérieure comme celle de la mer remonte petit à petit….L’équipage est confiant et heureux de s’aventurer au milieu du Pacifique…. Puis au cinquième jour, la situation se dégrade, on rentre dans l’alizé… Un vent bien établi souffle entre 12 et 20 noeuds Une houle de travers très inconfortable s’est levée…. On l’aperçoit à l’horizon se dresser entre 2 et 3 mètres de haut, parfois bien formée, parfois hachée, et puis d’un coup, elle vient s’abattre sur la coque latéralement… Nous sommes maltraités, tout vibre…On tangue fort, on ne sait quoi faire pour soulager notre allure… Alors, on essaye de mettre uniquement le Génois. Le vent oscille toujours entre 10 et 15 nœuds… Ce n’est pourtant pas si fort…. On ne comprend pas pourquoi la houle se comporte de cette façon: elle n’est pas dans le même sens que le vent…. On est complètement impuissant, il faut juste prendre notre mal en patience. La situation ne s’améliore en rien, on tangue toujours autant….Il ne nous reste plus qu’à regarder des films en attendant que le sommeil vienne… Peut-être arrivera-t-on à dormir….. Mais les bruits s’amplifient, impossible de trouver une position confortable…. le sommeil devient pressant, lourd et imposant, mais nous n’arrivons pas à dormir…. on aimerait crier à la mer de s’arrêter de rouler… Même quelques minutes, juste pour pouvoir fermer l’œil ne serait-ce qu’un peu… Au petit matin, on teste la grande voile seule… Le vent a forci à 20 nœuds, les conditions deviennent un peu plus musclées. La houle plus formée monte quelques fois à plus de 3 mètres de haut… le ciel est nuageux, ce qui ne laisse pas présager une bonne journée…. On décide à nouveau de remettre un petit génois pour stabiliser le bateau dans la houle de travers… Certes, plus stable, lorsqu’une vague frappe violemment la coque du Black Pearl, cependant le pilote reçoit une tension trop importante. Afin de le ménager, nous décidons de revenir à la GV seule… Malheureusement, au cours de la manœuvre, le Génois se fend sur un mètre de long au niveau de la couture de la bande anti-UV. LOLO : Je dors très peu et très mal…. Avec la fatigue tout devient pénible, nous sommes moins tolérants et à fleur de peau. Tant pis, pour nos nerfs, nous restons avec la GV aujourd’hui, il va falloir changer de Génois. Mais dans ces conditions, ce n’est pas recommandé! Nous rentrons donc à l’intérieur, prenons un livre et tentons d’oublier que nous sommes en pleine mer….Le moral n’est pas au plus haut…. LOLO : Il y a des moments, où je me pose la question « mais pourquoi fait-on cette traversée ?? On est complètement taré !!! ». Mais voilà, là, on est au milieu de l’océan, seuls sans possibilité de faire demi-tour !!!! Oulalala il faut garder la tête froide !!!! Imaginez vous au milieu de la France, seul, au milieu de rien.Comme si dans tout le pays il n’y avait que vous !!! C’est un peu opressant comme sentiment (Heureusement il y a Coraline quand même, ouuuf !!!). Lors d’une petite accalmie, Laurent en profite pour sortir les deux génois de rechange des coffres arrière. Nous pensions utiliser celui qui vient de lâcher pour cette traversée, même si nous savions qu’il était un peu usé. Nous n’avons pas envie d’utiliser notre bon Génois plutôt prévu pour des allures de près. A Panama, nos voisins Yves et Eve nous ont donné un Genois pour first 35 qui ne pouvait s’adapter sur leur ketch. Nous voilà donc en atelier couture pour rafistoler les différents accros. Une fois prêt, il faudra procéder au changement, car on ne pourra pas continuer éternellement avec uniquement la GV. LOLO : merci Yves et Eve !!! Mes nuits ne s’améliorant guère, j’opte pour les boules Quies. Et là c’est merveilleux ! Plus de bruit…Je dors comme une masse… Bien reposé, je me réveille avec une bonne motivation… Ce qui n’est pas le cas de Cora à qui je remonte le moral… Au petit matin, ni le vent, ni la houle n’ont faibli… Peu importe, nous devons faire la manœuvre…. Attachés, nous allons tous les deux à l’avant du bateau… Laurent est au mât, Cora à l’étrave. Il va falloir, dérouler la totalité du Genois et l’affaler le plus rapidement possible en évitant qu’il parte à l’eau, emportée par le vent. Il faut bien prendre appui, car la houle soulève l’avant du bateau à 2 mètres de haut pour l’écraser dans la descente de la vague…C’est pire que les montagnes russes…. Nous synchronisons nos mouvements et réussissons la manœuvre, mais sans éviter quelques haut-le-cœur…. Il ne reste qu’à mettre le nouveau en place… Chose quelque peu plus compliquée, car cette manœuvre se réalise plus lentement…. CORA : Je sens mes nerfs à fleur de peau… La nuit a été encore une fois mauvaise, je suis fatiguée…. Chaque fois qu’une vague me soulève, j’ai l’impression que je vais passer à l’eau…. J’ai la tête inclinée vers le bas pour endrailler le bord du Génois dans la rainure prévue à cet effet, c’est très désagréable comme position… Laurent hisse la drisse au mât. D’un coup la faible superficie du Genois, prend le vent et envoie le reste de la voile à l’eau…Nous le rattrapons… Toujours soulevés par les vagues qui paraissent chaque fois plus hautes, plus féroces…. CORA : Les larmes me montent, c’est dur et éprouvant…. Mais quand est-ce que ça va s’arrêter??…Craquage au bout du septième jour…. Soit à un quart de la traversée… ça promet!!!! Remis de nos émotions, nous découvrons que le nouveau Genois ne s’enroule pas très bien sur notre étai… Étant donné que le vent monte violemment et descend sans prévenir, nous devons plusieurs fois par jour enrouler dérouler…Peu importe, nous continuerons, pour le moment, avec celui-ci, difficile de changer de nouveau…. La nuit est à nouveau bruyante et inconfortable…. CORA : Même avec les boules Quies, je ne dors pas bien…. Les bruits angoissants me pourchassent jusque dans mes rêves…. LOLO : Moi j’ai encore utilisé les boules Quies (merci maman de les avoir laissées à bord). J’accuse une seconde bonne nuit de sommeil et réussi donc à garder le moral même si par moment le temps est un peu long… c’est long tout de même un mois de traversée… ça fait 30 jours, 2x15jours… Ah oui, c’est plus rapide à dire qu’à faire… CORA : Je me demande si on n’a pas un côté masochiste à se faire endurer une telle épreuve…. J’ai du mal à croire aux récits des plaisanciers qui ont passé de bons moments pendant cette traversée…. Ou ne serait-ce pas tout simplement parce que nous sommes partis un peu tard dans la saison, lorsque les conditions sont plus fortes? Ah! la voilà la raison pour laquelle il fallait partir au moins un mois plus tôt! LOLO; Il est fort probable qu’en partant plus tôt, l’alizé aurait été moins fort… Je sens Cora plus fragile, elle dort moins bien que moi. Bizarrement elle avait mieux appréhendé que moi, la durée du temps de la traversée, mais la supporte moins bien. Encore un essai: nous tangonnons le Genois. Cette fois-ci c’est Laurent qui assure la manœuvre à l’avant. Il ne semble pas être gêné par le balancement du bateau. Le vent monte, le pilote souffre dans les vagues qui ne se sont toujours pas amoindries. Nous affalons donc la GV. Puis le vent baisse, et nous n’avons plus assez de vitesse…. l’allure ne nous convient toujours pas…. On est fatigué de toutes ces manœuvres qui n’en finissent jamais! Et puis en fin de journée, l’illumination….. LA TRINQUETTE!!!!! La voilà la solution!!!! On a toujours imaginé que notre nouvelle voile ne nous servirait que pour la traversée de Panama aux Galapagos, au près…. On n’imaginait absolument pas en avoir besoin au largue ou en vent arrière…. Mais finalement, cela reste une petite voile d’avant pour du gros temps… Cela correspond tout à fait à notre situation actuelle….. Depuis que nous l’avons installée, nous trinquons à cette heureuse acquisition, ce merveilleux cadeau de mariage qui va sauver nos prochaines nuits et nos prochains jours d’une usure certaine de nos nerfs! LOLO : Dès qu’on a mis la trinquette, c’est comme si le moral des troupes était remonté ! D’habitude, les transpacifique se font sous spi, génois tangonné, en ciseau, double voile avant, etc… Bref les gens cherchent à amplifier la voilure à cause des vents faibles !! Et bien nous, c’est sous trinquette avec 3 ris dans la grande voile… bref nous cherchons à minimiser la voilure…Et le bateau file toujours à presque 6 nœuds !! Dans la nuit, le vent faiblit, et la houle s’est un peu calmée au petit matin…. neuvième jour, une opportunité de monter au mât pour inspecter le gréement???…. C’est un des points faibles du bateau… Et sur une traversée telle que celle-ci, il est fortement sollicité! Il est recommandé de suivre de près l’usure après 10 ans…. Or le nôtre a été refait il y a justement 10 ans… De plus, l’étai (le câble qui retient le mat à l’avant du bateau sur lequel s’enroule le génois) a été changé il y a 3 ans. Et nous avons remplacé le patara (le câble qui retient le mât à l’arrière du bateau), il y a à peine un an. CORA : J’avoue que j’angoisse facilement par rapport au Gréement. Après avoir connu 3 bateaux qui ont démâté, et avoir eu notre bas étai cassé aux Galapagos, dès que les conditions deviennent plus violentes, je ne peux m’empêcher de penser à une usure précoce de nos câbles ….Nous vérifions la tension des haubans et du bas étai régulièrement, mais la seule manière d’être sûrs des points d’accroche est d’examiner les pièces serties en haut du mât. LOLO : ne paniquez pas, le gréement peut tenir plus que 10ans, et nous l’inspectons souvent !! De plus la polémique actuelle est que les inox d’il y a 10ans sont plus solides et résistants que ceux d’aujourd’hui. Cela ne vaut donc pas toujours forcément le coup de le changer. CORA : Me voilà harnachée, presque prête à monter au mât, pendant que Laurent tente de nous mettre à la cape. (Le bateau dérive ainsi lentement en décrivant un mouvement oscillant d’avant en arrière). Avant que Laurent ait stabilisé le bateau, je commets une grosse erreur : je m’assure debout avec une drisse… Je ne regarde donc pas l’horizon, et me fais surprendre par une vague de côté. Je glisse, et heureusement m’agrippe aux haubans: C’était moins une pour passer à l’eau… malheureusement mon genou est à nouveau maltraité, et je ressens une douleur aiguë au ligament. LOLO : En train de faire ma manœuvre, j’entends Cora hurler …Je la retrouve accrochée dans les haubans… Oulala j’ai eu une bonne frousse… Sa douleur au genou est bénigne, elle passera dès le lendemain… L’inspection du gréement est cependant reportée à une prochaine accalmie ! (Ce qui n’est pas demain la veille !!!) Ce qu’il y a de formidable avec le cerveau, c’est qu’il a une faculté incroyable d’oublier volontairement les mauvais moments pour ne se rappeler que des bons… un peu comme pour un accouchement… Au moment où nous écrivons ce poste, le moral de l’équipage est bien remonté… Tous les jours nous pouvons profiter des rayons du soleil dans le cockpit oubliant progressivement les désagréments des jours précédents… Laurent a pêché une belle dorade, puis un magnifique wahoo (thazard- thon banane) de la taille des poissons qu’a l’habitude de pêcher son cousin Damien dans la Loire… De quoi régaler les troupes pendant plusieurs jours. Devenu expert en pêche, il lui suffit à peine d’une heure pour qu’un beau spécimen morde à l’hameçon… Finalement, le plus long reste la préparation. Nos nuits sont devenues (en général) plus douces et reposantes. Nos nerfs moins sollicités peuvent apprécier à nouveau la traversée. Nous venons de parcourir plus de la moitié du chemin (soit plus de 1400 miles) en 13 jours. Même si hier, le vent a forci, laissant filer le Black Pearl à 7 nœuds avec des pointes à 8, nous profitons des belles journées qui s’offrent à nous…. Si nous continuons à cette allure (même un peu pénible), nous devrions arriver plus rapidement sur la terre ferme…. On en profite pour remercier tous ceux qui ont pensé à nous et nous ont envoyé un ou plusieurs petits messages. (Marie-Françoise, Guy et Marie-Annick, Isabelle et Gildas, Jacques et Martine, Chantal, Angélique et Jean-Marc, Gogo et Jasmine, Djib et Mariela, Eliecer, Romain, Didier et Marie Pierre ). On essaye de répondre, mais des fois, ça n’a pas marché. Il semblerait également que notre position GPS ne se mette pas à jour sur le blog (d’après vos messages), ce, malgré un update que nous faisons tous les 3 jours… Nous sommes actuellement au 13° 15.300 S et 112° 56.048 W pour ceux que ça intéressent. A SUIVRE…. —- This e-mail was delivered via satellite phone using GMPCS’s Speed Mail software. Please be kind and keep your replies short.
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4 réponses à A bord du Black Pearl ça a été la déprime!!!!