Les pêches miraculeuses des Gambier

La vie à bord d’un bateau est souvent synonyme de pêche. Lors de nos précédents mouillages, nous avons souvent passé du temps à plonger pour chasser poissons et langoustes. De plus, notre partenariat avec Immersion nous a notamment permis d’avoir 3 nouveaux fusils : un petit pour les langoustes, un moyen et un gros chacun équipé d’un moulinet. Nous avions donc au programme de la chasse sous-marine à haute dose. Seulement voilà, à peine arrivés ici on nous explique que nous sommes dans une zone qui comporte beaucoup de ciguatera !!!

La ciguatera est une intoxication alimentaire provoquée par une toxine issue d’une algue la  Gambierdiscus toxicus (son nom semble donc venir des Gambier…). Cette algue se développe sur le corail mort, elle entre donc dans la chaine alimentaire via les poissons herbivores et s’accumule ensuite dans la chair (les parties grasses, le foie, la tête) des poissons carnivores. Les poissons n’y sont pas sensibles, mais les hommes si… L’intoxication peut aller  d’une grande fatigue avec démangeaison (l’autre nom de la maladie est la gratte…)  à une mort assez rapide (uniquement en cas d’absorption à très haute dose…). Il faut donc absolument éviter de manger mérous, carangues, requins… Il est nécessaire de demander conseil aux locaux pour savoir quels sont les poissons comestibles. Cependant, après diverses discussions, le même poisson semble être toxique sur une ile et point sur sa voisine… Bref, nous n’avons pas encore chassé et nous allons manger du poisson avec parcimonie…

Avant les années 1970, il n’y avait pas de ciguatera au Gambier. L’épidémie a vraiment débuté en 1968 et a ensuite fortement augmenté. Il est à noter que les essais nucléaires ont eu lieu à Mururoa à partir de 1963 et que la zone des Gambier a compté une grosse base militaire avec travaux divers et construction de la piste d’atterrissage… Lien de cause à effet ? Certains locaux en sont persuadés, mais aucune étude scientifique approfondie ne semble être menée (Du moins, je n’ai rien trouvé pour le moment)… Sujet bouillant et probablement assez sensible pour la république… Mais c’est une autre histoire et l’on s’éloigne de la pêche.

Requin pointe noire de 60cm

Requin pointe noire de 60cm

L’autre difficulté avec la pêche, ce sont les requins.En effet, dans ces atolls paradisiaques du Pacifique, il y sont nombreux. Nous devons donc apprendre à cohabiter avec eux. Dès que l’on tire un poisson, ils débarquent et tournent autour de nous…

pointe noire 4

Pointe noire de 1.50m

Il faut donc vite remettre le poisson en sécurité dans la dinghy…ET NOUS AVEC !!! Nous avons pour le moment croisé des pointes noires de 30 cm à 1.50m et des pointes blanches. Quand nous sommes en PMT, il passe sans se soucier de nous … Mais nous, nous tentons de rester calmes et de nous habituer. Car selon les locaux, nous ne sommes pas dans leur programme alimentaire. Donc pas de soucis en cas de balade (on reste toutefois vigilent, juste au cas où…), mais attention tout de même quand on pêche…

Du coup, on se tourne vers d’autres proies innocentes : les 7 doigts, les poulpes, les crabes, les cigales et les langoustes mais aussi la pêche à la traine côté océan…

  • Les 7 doigts:

J’ai découvert les 7 doigts lors d’une balade en paddle dans la baie de Rikitea. Une jolie matinée dans une eau super calme. Debout sur la planche, j’étais dans un état de « zenitude » en pleine admiration des fonds magnifiques . Car le paddle gonflable F-one par temps calme, c’est extraordinaire pour observer les fonds sous-marin.

Au loin, j’aperçois 2 personnes qui nagent à côté de leur bateau et j’entends des boums réguliers dans la coque. Je file vers eux voir ce qu’ils fabriquent et je reconnais Steven et son beau-père.

7 doigts

7 doigts

Ils attrapent des 7 doigts…Ce sont de gros coquillages de la famille des Lambis que l’on ramasse au fond de l’eau. Ils se font un plaisir de me faire découvrir ce coquillage et ses secrets….

Comment sortir la bête avec un marteau… Et en prime une dégustation immédiate d’un morceau encore frétillant ! ! Il est 10 heure du matin, manger un morceau de 7 doigts cru  ne m’emballe que moyennement, mais cela ne se refuse pas ! Et…..

7 doigt 2Mais c’est même très bon !!! Du coup, ils m’en offrent 4 pour le déjeuner….Super !!!

Par contre, retirer le mollusque est délicat si l’on n’a pas pigé le truc… Avec un marteau, cela nécessite un bon 1/4 d’heure. Le problème c’est que sur un bateau, c’est très bruyant et qu’à la fin de cet exercice, il y a de la coquille partout…

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Lambis de la caraibe

La technique  « Lambi » fonctionne, mais pas aussi bien … Il vaut mieux aller à terre, se trouver une grosse pierre et y éclater la coquille. On sort ensuite la bête : durée de l’opération 10 secondes… Pour la préparation on peut : soit le laisser cru mariné au citron, soit le battre légèrement avant de le jeter dans la casserole (le plus longtemps possible ou mieux 40 min à la cocotte-minute). Après cuisson il peut être arrangé avec un curry thaï massaman au coco ou encore avec de la sauce soja et du sésame ou simplement revenu à l’ail… Un délice facile à faire…

  • Les poulpes

Depuis notre départ en 2012, nous avions attrapé un unique poulpe que Cora avait vu passer devant elle aux San Blas. Ici nous avons professionnalisé la chose grâce à la technique traditionnelle apprise de nos amis espagnols Rosa & Kiku. Il s’agit de:

  • Trouver le Spot. Ca c’est eux qui en ont le secret,IMGP0764
  • Y aller à marée basse avec des chaussons, armés d’un pic. Nous avons opté pour une longue flèche de fusil,
  • Marcher sur le sable entre la patate de corail. Bien évidemment sans casser le corail ni se faire mal aux pieds
  • Mais surtout ouvrir l’œil tel un lynx à l’affût.

Nous avons donc passé du temps à observer attentivement les récifs, de proche en proche… Comme ils changent de couleur, ils se fondent dans leur environnement Mais mon instinct de pêcheur était réveillé…..IMGP0765Aussi incroyable que cela puisse paraitre, j’ai fini par en découvrir un, caché dans un trou,qui me regardait !!! Après un coup de flèche, il faut tirer fort pour sortir la bête de son trou !!!!!!!! IMGP0762Débute ensuite la bataille : il crache son encre partout, tente de m’attraper avec ses tentacules… Wouau je suis hyper content, je n’aurais jamais cru y arriver du premier coup. Je jubile pendant que Cora poursuit son inspection, car elle veut aussi trouver son poulpe, à Elle !!!!

La technique de la mise à mort consiste en un retournement de la tête. S’en suit l’éviscération… Et zou direction la cocotte-minute pour 30 minutes… Pour finalement le transformer en salade mauricienne (souvenirs des sandwichs ourite au mornes…) avec du citron, des tomates et de la coriandre…. Miam miam miam…

IMGP0805Coraline veut sa revanche et nous retournerons chasser les tentacules le lendemain. J’en trouve de nouveau un , mais il finit par rentrer dans son trou, ne souhaitant pas en sortir pour finir en salade… La nuit tombe et je laisse tomber pour ce soir… Cora, elle, veut Son poulpe et n’abandonne pas… Malgré sa persévérance, elle finira par rentrer bredouille, une demi-heure après moi, à la tombée de la nuit …

Affaire à suivre, car c’est un régal… et Cora veut trouver Son poulpe !!!

  • Les crustacés

Jusqu’à présent la pêche des crustacés (crabes, cigales et langoustes) se faisait en plongée avec un fusil, de la persévérance,lors de belles journées ensoleillées. Ici c’est totalement différent! Il faut aller avec des copains, de nuit, sur le platier des motus. IMGP0770Les motus sont la ceinture de sable qu’il y a autour des lagons. On appelle platier, la dalle de corail située entre la plage du motu et la pleine mer. Il est recouvert de 1 à 2m d’eau à marée haute et de 0 à 30cm à marée basse. Les conditions optimales sont : la marée basse, les soirs de nouvelle lune. C’est à ce moment qu’on aperçoit le mieux, les crustacés du large remonter sur le platier pour se nourrir discrètement. Autant dire qu’il faut se motiver le soir pour mettre sa combinaison (il fait frais et c’est mouillé…), partir en annexe au motu, traverser le motu à pied et sillonner de long en large et en travers le platier équipé d’une lampe de poche. Car figurez-vous que les yeux des crustacés brillent dans la nuit sous l’éclairage des lampes !! La technique semble simple et je me vois déjà avec tout plein d’yeux rouges autour de moi.  Mais, hélas, en pratique, c’est totalement différent… Les yeux brillent, certes, mais seulement un tout petit peu et il faut être très très attentif… Bref c’est un truc pour ceux qui aiment la pêche. Et Coraline, elle préfère rigoler de son pécheur préféré et rester bien au chaud au bateau en attendant… Bref une poule mouillée, quoi! … Mais je pense bien qu’en lisant ces lignes, la prochaine fois elle se sera jointe à moi !!!

La balade vaut le détour, car se retrouver de nuit sur le platier c’est assez sensationnel. Les vagues cassent sur le tombant duquel on peut se rapprocher à une dizaine de mètres. Parfois on peut se faire bien mouiller par les grosses vagues qui entrent… Mais c’est à ce moment précis que la transformation prend place: on devient un Chasseur Scruteur Traqueur. Pas après pas, le platier est passé au peigne fin… et rien, nada jusqu’à ce que j’aperçoive les 2 petits yeux rouges d’un crabe qui passait par là… IMGP0773Pas évident à attraper les crabes!!! Ils se déplacent vite, peuvent pincer bref c’est tout un cinéma pour le sortir. Surtout que la marée n’est pas encore complètement basse, les vagues rentrent et l’eau est au niveau de mes genoux… J’opte pour l’option  « il pince ma tige de fusil, je le soulève, le met dans mon sac et tente, tant bien que mal, de lui faire lâcher prise… ». Cette fois-ci, j’aurai eu 2 crabes. Ils resteront dans un filet accroché sous le bateau pour la nuit. Malheureusement pour nous, l’un d’eux réussira à filer …Humm c’est débrouillard et perspicace un crabe?!…. Il a donc bien mérité de vivre, car ce n’était pas facile de sortir du filet… Son copain, lui, terminera ébouillanté… Un délice!!!!.

Donc pas de langouste pour moi, le premier soir…Mais Lucie, qui est d’ici, a attrapé de très beaux spécimens dans son sac…Je dirais même plus des ééééénoooormes langoustes comme je n’en ai jamais vues !!!! Je reviendrai!!!! et je l’aurai un jour mon ééééénoooorme langouste….

La seconde sortie m’est plus favorable, car la marée est plus basse….Je ramasse quelques cigales….Victoire !! Hourra !!! La cigale c’est facile à attraper, juste avec la main et hop dans le sac… Pour ma troisième sortie, je rêve d’attraper LA langouste…., mais après 2 heures de marche acharnée, après avoir croisé un bébé requin, des genres de serpent de mer noir et bleu, je finis par découvrir une petite langouste qui m’attendait là sagement… Conclusion, pas l’ombre d’une Enooooorme comme j’en rêvais… Ce sera pour une autre fois…. Philippe, quant à lui, a attraper une bonne dizaine de cigales, de quoi faire un bon déjeuner demain !!!

  • La pêche à la traine côté océan

Lors d’une balade sur le motu de Tarauru-Roa, nous avons fait la connaissance d’Eric qui habite les Gambier depuis plusieurs années. Dans la discussion, il nous explique qu’en sortant par la fausse-passe qui se trouve à côté de chez lui, il est possible de pêcher des thazards à la traine ! ! ! La tombant externe des lagons est généralement un lieu qui attire les poissons pélagiques du large et ceux-là ne sont pas porteurs de ciguatera !!!! Bref je me mets à fantasmer sur cette fabuleuse pêche, sur le thazard que je vais attraper en sortant…. Cela amuse beaucoup Cora…

Pour sortir du lagon, il faut: attendre la marée haute, un jour avec peu de vent et peu de houle. Nous sommes dans cette zone pour le weekend et le vendredi je vois des locaux sur leur barque qui sont effectivement là en train de pêcher. Nous les croisons ensuite sur la plage.Ils ont eu 3 gros thazards… Bref, je suis comme un fou dans les starting block pour y aller…. Mais pour soir, il est déjà trop tard… Je vais devoir attendre le dimanche.  Je prépare: mes 2 leurres, une VHF portable (radio au cas où), des fusées de détresse (toujours au cas où…) et le pleins d’essence (Bien évidemment)…  Je file, ensuite, en solo dans l’annexe, plein gaz vers la fausse-passe. Là je ralentis et avance doucement: il y a à peine 1m de fond et de grosses patates un peu partout… La houle se creuse un peu et me voilà sorti avec ma petite annexe dans une houle de 1 à 2 m. Une sensation incroyable…C’est impressionnante d’être sur cette coque de noix, en pleine mer et de voir le récif ainsi que le motu à l’envers. Une sensation proche de la peur, car j’ai une certaine appréhension à être là en solo…

Je mets le leurre (le Marlboro pour les intimes) à l’eau, déroule la ligne et avance tranquille. Je fais un aller et retour et….Rien… Brrr… c’est frustrant!! Mais bon, à la voile, il nous arrive parfois de trainer pendant des heures sans rien prendre… Je fais donc un changement de leurre et met le célèbre « Woody ». Et là l’irréel, l’incroyable se produit !!! Et oui ça mord!!!! Et même que c’est un gros thazard qui se met à faire des bons de 1 à 2 m derrière moi !!!! Il est là accroché à la ligne et fait des énormes sauts…. Incroyable….. Oulalala c’est du costaux là!!! ….. Je n’ai pas le temps de réaliser que je dois agir vite pour le remonter…. Comme il est gros!!!!! J’ai peur que la ligne casse…Je ne garde pas trop de tension. Le mieux serait de le fatiguer un peu, mais parait-il que la zone est infestée de requins…Et à priori des gros, voir mêmes très gros…  Il faut donc vite remonter la prise. La bestiole continue de se démener avec ces sauts fantastiques!!! A ce moment-là, je me suis rappelé de la couverture du livre « Le vieil homme et la mer » où l’on voit un pêcheur sur sa barque et un long poisson qui saute derrière…

Je tire en remontant la ligne…. J’ai coupé les gaz de l’annexe….Je n’avance plus…. La ligne prend du mou…. Malheur!! Le poisson risque donc de se détacher. Il continue de sauter et je n’arrive pas à retendre la ligne. Je finis par avoir le leurre dans la main mais ma fabuleuse prise n’est pas au bout… Je suis assez déçu, mais toujours plein d’espoir!!! Car si il y en a un, il a forcément des copains dans le coin !!!! Je me remets donc à trainer tranquillement. La houle est belle, quand je vais dans son sens l’annexe fait de bonnes accélérations, par contre dans l’autre j’ai une jolie pente. On se croirait dans des montagnes russes… Le temps passe et j’ai un œil à l’avant pour les vagues, l’autre à l’arrière sur la ligne. Il faut rester concentré…C’est quand même la haute mer!!!! Après 10 minutes environ, je sens une légère tension de la ligne…..Cette fois-ci, je remonte ma proie en gardant une petite vitesse. La tension chute légèrement, oh noooooonnnnnn!!!!!. Je tire de plus belle…… Je vois alors une jolie couleur bleu vert qui remonte…. Je devine une forme…..On dirait un thon de 60cm!!!!!…  IMGP0790Pas mal!… Je le mets dans l’annexe et le cale à l’avant. Il ne se débat pas trop, mais a de sacrées dents pour un thon?!… Une serpillère sur la tête pour le calmer et nous voilà  tous les 2 sur le chemin du retour. Il ne reste plus qu’à retrouver le chenal de sable dans la fausse-passe et, hop, filer plein gaz dans le lagon qui est comme un miroir. Aussitôt arrivé au bateau, grâce aux guides du pacifique, j’identifie l’animal comme étant un thon « dent de chien ». Jamais entendu parler… Mais comme c’est un pélagique, il n’y a aucun soucis pour le manger. (j’apprendrai par la suite que certains locaux en mangent, mais il faut tout de même éviter les gros qui eux peuvent être contaminés…). Ce n’est pas le thazard de mes rêves, mais un thon pour 2 cela fait de très bons sashimis. !!! Et puis je reviendrai le prendre Mon beau thazard…

Conclusion, il est toujours possible de se mettre quelque chose sous la dent et ce, cuisiné dans des mets très variés. En complément, le village est aussi approvisionné en entrecôtes, poulets et autres gigots, mais cela est une autre histoire…

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