D’après nos diverses rencontres, cette traversée est à réaliser de préférence la nuit afin d’éviter les pirates vénézuéliens à l’approche des côtes… Si vous vous plongez dans un atlas ou regardez tout simplement l’onglet « où sommes nous », vous vous rendrez compte que le Venezuela et Trinidad sont vraiment très proches. En déviant légèrement de cap, on peut donc très rapidement se retrouver sur les côtes vénézuéliennes.
Nous passons donc tranquillement la journée à notre mouillage de Ross point. Nous avons abandonné l’idée de faire la douane. Nous ne descendrons pas à terre, ce serait quand même dommage d’aller payer des droits de douanes pour quelques heures. Nous nous mettons donc dans l’illégalité et profitons de notre journée relax!
Après un déjeuner de Saint Valentin sympathique, pendant lequel une petite tortue sera venue nous dire bonjour, nous quittons Grenada vers 16h.
A priori les pirates Vénézuéliens ne sont pas de grands marins et n’attaquent pas trop lorsqu’ il y a du vent, de la houle et pendant la nuit… Il n’existe pas vraiment de réelles stats à ce sujet, mais ça rassure !!! Les conditions sont donc idéales pour partir: 15 nœuds annoncés, une légère houle de 1.5m. Au pire des cas mon « Uzi » est sur le pont, prêt à tirer les 1er coups, ce qui est toujours préférable en cas d’attaque pour créer un effet de surprise ! ! !
La sortie de Grenada se fait au moteur dans un vent très léger. Un vent de NE se lève à la pointe Sud (15-17 nds) et de bonnes sensations débutent: le bateau se met à giter et saute les vagues de la houle (qui viennent du NE également). Les vagues viennent recouvrir le bateau et quelques unes nous passerons même au dessus de la tête. Heureusement nous sommes protégés par le roof ;-). (En cours de montage, un petit film qui résumera bien l’ensemble de la traversée!)
La traversée commence donc très bien. La nuit tombe , mais cette fois ci sans lune … Dans la nuit noire nous filons à 7 nds et voguons tranquillement sur une houle qui s’est un peu calmée, encore de super sensations !!! A l’horizon, les « running light » d’un autre voilier nous montre la route à suivre.
Pour la saint Valentin, nous aurons droit à un diner grand luxe – nouilles chinoises à la belle étoile quoi de plus romantique??…
Cette fois-ci, un peu plus rodés par la traversée nocturne et plus confiants, nous essayerons de faire de vrais quarts afin d’être moins crevés. Je vais donc le premier dormir une bonne heure balloté par les vagues mais bien chaud en bas… Coraline reste surveiller les navires à l’horizon et les réglages du bateau. Je l’ai bien accrochée, il n’y a donc aucun risque de MOB -Men over Board. Jack, lui est toujours à la barre assurant un cap parfait. A mon réveil c’est Coraline qui va se coucher.
Soudain, divers points lumineux surgissent à l’horizon : plateforme de gaz?, pétrolière?, bateaux à moteur?, cargo??? Encore un sous marin russe???…. Quésaco? Il faut surveiller attentivement afin d’éviter les collisions et/ou les éventuels pirates…. Les différents points lumineux se rapprochent, dans le doute, je préfère mettre le cap le plus à l’Est possible…
Nous finissons alors par rattraper le voilier, qui au départ, tel une étoile, nous montrait le chemin. Nous passerons à sa hauteur, le laisserons juste derrière nous pour qu’il disparaisse enfin dans la nuit noire. C’est assez intéressant la navigation de nuit, et surtout très agréable: nos repères, nos sensations et nos perceptions sont modifiés. De plus c’est l’occasion de réfléchir, prendre du recul par rapport à la vie – passé, présent, futur.
La lune devait se lever à 23h45 mais à 1h du matin, toujours rien… Mais où est donc passée la lune???? A-t-elle oublié de se lever, ou se cache-t-elle qu’elle part???
Avec Google sky dans ma tablette, je scrute l’endroit dans le ciel où elle aurait normalement du apparaitre. Eurêka! Je l’ai trouvée! La coquine s’était cachée. L’horizon est en fait chargé de nuage, ce qui annonce que l’on va probablement se prendre un bon grain sur la tête… Une heure après vers 2h du matin c’est le déluge, le vent tourne au Sud…. et monte à 25/30 nds ! ! ! Le bateau étant bien réglé (1 ris et 50% du Génois), continue tranquillement sa route. Je reste donc sur les marches, protégé par le roof. Coraline se réveille avec le bruit de la pluie, bien ballotée dans la cabine arrière.
Suite au changement d’orientation du vent nous faisons maintenant route sur le Vénézuella !!!! Oups….. Les pirates???!!!! Mais impossible de virer de bord: il pleut comme 2 gros zébu qui pissent – au minimum- et on ne peut que rester à l’abri pendant que Jack tient la barre fermement. Le grain ne devrait pas trop durer . Et effectivement il stoppe assez rapidement. Oufff! On peut enfin sortir de notre trou pour reprendre les commandes et changer notre route. Il faut savoir qu’après un grain le vent peut tourner à nouveau. Et là, pour le coup il a tourné et pas qu’une fois…
Nous faisons 4 virements de bord…. A chaque fois le vent tourne de 180° ! ! Nous faisons donc soit route sur le Vénézuela soit route dans le sens contraire. Même en restant « au prés », nous n’arrivons pas à reprendre la direction de Tinidad… Sensations étranges et troublantes ! ! ! Comme si nous étions pris au piège dans un triangle des Bermudes déplacé plus au sud!!! Toute cette agitation et cette incompréhension face à la nature nous fatigue bien, mais le vent se rétablit soudainement. Nous mettons enfin à nouveau cap vers notre destination. Cependant, beaucoup plus faible – 10, 9 puis 8 nds – nous sommes forcés de mettre le moteur… Black Pearl file très bien à partir de 12 nds mais en dessous c’est un peu la galère. Avancer à 3 nds au lieu de 7-8 nds habituels, nous double notre temps de trajet.
Enfin, aprés 2 heures de moteur, une légère brise se fait sentir et nous permet de repartir à la voile pour une arrivée sur Trinidad prévue au petit matin. La situation étant sous contrôle, je descends faire un petit somme…. Au petit matin, Coraline me réveille en panique car un bateau à moteur se rapproche de nous à grande vitesse ! ! ! Serait ce des pirates? Le bateau passe très prés du Black Pearl, il nous cerne, je le foudroie du regard…. Il continue sa route… Ouffff!
Un magnifique arc en ciel apparait à l’horizon et nous met du baume au cœur
Pour l’arrivée à Chaguaramas, le port principal de Trinidad, nous passons par un petit canal un peu étroit en vent arrière.
Un bon exercice pour pratiquer l’empannage (changement de bord en vent arrière) dans un vent très léger de 9nds… Comme prévu (d’après le logiciel Navionics de la tablette), le courant est avec nous. Il devait changer à partir de 9h10 et nous y arrivons à 9h30. Il faut reconnaitre que nous avons un timing parfait malgré quelques aléas:-).
Trinidad nous voilà